"Les grands voyages ont ceci de merveilleux que leur enchantement commence avant le départ même.
On ouvre les atlas, on rêve sur les cartes. On répète les noms magnifiques des villes inconnues."

Joseph Kessel

jeudi 19 juillet 2012

Les Poilus de Sumatra

Après cinq jours sur l'île volcanique de Samosir au milieu du lac Toba, nous repartons du petit village de Tuk-Tuk comme l'on sort d'un songe. Le lieu est certes propice à l'oisiveté mais nous avons encore du mal à croire que nous ayons pu passer autant de temps à faire si peu de choses. Un peu de sédentarité ne fait pas de mal après plus de dix mois de voyage! Nous voulons tout de même profiter du temps qui nous reste avant le retour et ne désespérons pas de trouver la Sumatra sauvage que nous sommes venus chercher. La route entre Medan et Bukit Lawang ne sera toutefois pas très prometteuse en ce sens. Plus encore qu'ailleurs, la forêt primaire y a cédé la place aux plantations d'hévéas et de palmiers à huile. Les cultures se succèdent et les troncs s'étendent à l'infini dans un alignement déconcertant. Ce n'est qu'en arrivant dans le village de Bukit Lawang que nous devinerons pour la première fois la jungle à l'horizon. Il faut dire que c'était ici ou jamais: c'est après tout l'un des rares espaces préservés du nord de l'île et refuges pour orang outans.

Récolte du latex à l'orée du parc national
En partant avec trois autres compagnons de trek, un guide et son assistant, nous n'avons pas beaucoup d'illusion sur la mascarade de marche dans la jungle qui nous attend pour les deux jours à venir. Nous avons pourtant retenu la leçon du parc national de Chitwan au Népal mais la tentation était trop grande de voir de près les "gens de la forêt" (traduction littérale de l'indonésien orang utan). Nous traversons d'abord une plantation d'hévéas pour atteindre l'entrée du parc et il ne nous faudra pas aller bien plus loin pour apercevoir nos premiers grands singes mais aussi nos premiers touristes. Il semble d'ailleurs que l'un n'aille pas sans l'autre: nous sommes en effet nombreux à contempler les primates semi-sauvages qui peuplent les abords immédiats du village. En les voyant se balancer si gracieusement de branche en branche, on en oublie vite la présence des autres spectateurs et le contexte discutable de cette rencontre. Nous savourons la chance que nous avons de les voir déambuler dans leur environnement naturel. 

Pas vraiment sauvages mais tellement fascinants!
Nous sommes d'abord surpris par leur taille, proche de celle des humains mais avec des bras et des jambes démesurés, et par leur lenteur, imposée par leur poids conséquent qui les oblige à s'assurer de la solidité de chaque branche avec de se balancer de l'une à l'autre. En les observant de plus près, on ne peut qu'être stupéfait par certaines ressemblances, surtout lorsqu'on s'attarde sur les expressions du visage ou leurs gestes, parfois si proches des nôtres. Nous verrons au total plus d'une dizaine de femelles avec leurs petits et un énorme mâle que nous nous contenterons d'observer de loin. Le contrat est rempli et nous savourons la soirée passée dans un camp de fortune au milieu des varans et macaques, habitués des lieux. Nous ne sommes en réalité pas si loin du village et le lendemain, il ne nous faudra pas marcher bien longtemps pour rejoindre la rivière et retourner au point de départ sur une embarcation de fortune construite avec des chambres à air de pneus de tracteurs. Nous étions partis sceptiques et revenons ravis de l'expérience tout en regrettant presque de repartir aussi vite. Mais pour rien au monde nous ne manquerions la prochaine étape du voyage!

Un regard qui en dit long...

After five days on the volcanic island of Samosir in the middle of Lake Toba, we left the small village of Tuk-Tuk and it felt like waking up from a dream: the place was indeed conducive to idleness but we still could not believe that we had spent so much time doing so little. A sedentary lifestyle does not hurt after all after ten months of traveling! We really wanted to enjoy the time left before flying back home though and were still longing to find the wild Sumatra, the illusion that had brought us there in the first place. The road between Medan and Bukit Lawang was not very promising in that sense. More than elsewhere, the primary forest had disappeared to give way to rubber plantations and oil palms. The perfect and endless alignment of the trunks was quite puzzling. It was not until we arrived in the village of Bukit Lawang that we had our first glimpse of the jungle in the distance. We were looking at one of the few protected areas in North Sumatra and a well-known sanctuary for orangutans.
We did not have many expectations about the two-day "jungle trek" that we had booked. We still had in mind the very disappointing experience at Chitwan National Park (Nepal) but the opportunity to see up close the "people of the forest" (literal translation from Indonesian for orang utan) was too much of a temptation. Leaving the village with three other trek companions, a guide and his assistant, we first crossed a rubber plantation before we finally reached the park entrance. It did not take us long to spot our first great apes but also the first unavoidable tourists. There was quite a crowd contemplating the many semi-wild primates inhabiting the immediate vicinity of the village. Seeing them so gracefully swinging from branch to branch, we soon forgot the presence of other spectators and the questionable context of this encounter. It was quite enjoyable to be able to observe them in their natural environment.
We were initially surprised by their size, similar to that of humans but with disproportionate arms and legs, and by their slowness due to the fact that they had to make sure that each branch was strong enough to carry their heavy weight. Watching them closely, the similarities with humans striked us, especially some facial expressions or gestures, sometimes human-like. We got to see in total more than a dozen females with babies and a huge male - luckily enough - from afar. Exactly what we had come for! We spent the night at a camp supposedly deep in the jungle and spent some time watching the resident monitor lizards and macaques fighting for food. We were actually not that far from the village and the next day, it took us no more than a couple of hours to reach the river and get back to the starting point. It was good fun though as we did it on a few tractor tires tied together and dragged by the current, the local version of rafting! We had left a bit skeptical but all in all, it was an exhilarating two days. We could have easily spent a few more days in Bukit Lawang but for nothing in the world we would have missed the next leg of the trip!

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